(Swans - 19 avril 2010) On en parle beaucoup, il est à la mode dans notre gaulois pays où l'on conteste tout !
Mais qu'est-ce, au juste, le principe de précaution ?
Ses racines sont à rechercher dans l'ouvrage de Hans Jonas, philosophe du XXème siècle: « Le principe responsabilité ».
La tâche de la responsabilité du sort du monde confiée à l'homme, dit-il, est d'autant plus lourde qu'elle s'accompagne d'une amplification de ses pouvoirs sur l'homme et sur la nature. Toute action d'envergure est devenue potentiellement dangereuse, la peur est alimentée par l'incertitude scientifique et devient une méthode qui doit permettre de conduire à la précaution. On parle d' « heuristique de la peur ».
Ainsi, la notion de responsabilité change : on passe de l'obligation d'assurer la prévention des risques connus à la responsabilité de prévoir les conséquences d'une avancée technologique, même si elles ne sont pas prévisibles. La précaution entend gérer l'inconnu, au contraire de la prévention qui est une réponse au risque avéré ou au moins probabilisable.
Peu à peu le principe de précaution est passé officiellement dans les textes règlementaires. Appliqué initialement à l'environnement il est évoqué de plus en plus souvent pour des problèmes de santé publique et de sécurité alimentaire.
La société actuelle, plus évoluée, plus éduquée, exige la sécurité comme un droit et veut aussi l'absence de risques. Les risques admis, tout juste, pour les risques naturels ne sont plus acceptés dès lors qu'ils résultent de l'activité humaine.
On rejoint là le concept de la société utopique où tout est calibré, connu, prévu, égalitaire et donc forcément improbable, voire impossible.
Thomas More fut le premier à utiliser le mot Utopie pour désigner la société parfaite qu'il imaginait. La racine grecque topos, signifiant lieu, est précédée d'une lettre remplaçant aussi bien le préfixe eu qui veut dire bien que le préfixe ou, la négation. L'utopie est un bon lieu inexistant.
Certains penseurs considèrent les utopies comme des choses positives, qui favorisent le progrès de l'humanité; d'autres les considèrent comme une invitation au totalitarisme. La recherche de la sécurité absolue est-elle un progrès ou une perte de dynamisme ? Idéal ou devis contraignant ? Platon ou Staline ?
À ce jour, l'application du principe de précaution, apanage des pays développés (les pays du tiers monde ont des préoccupations plus urgentes) est loin d'être homogène suivant les pays et aucun texte n'impose encore son application directe. Sur le plan international, la valse hésitation au gré des intérêts de chacun est la règle : et nous voilà dans le domaine de l'entropie, mesure du désordre généré par les transformations irréversibles d'un système.
À l'origine le mot d'entropie a été forgé par le physicien allemand Clausius dans la théorie mécanique de la chaleur : « je proposerai donc d'appeler la quantité S l'entropie du corps, d'après le mot grec η τροπη une transformation. C'est à dessein que j'ai formé ce mot entropie, de manière qu'il se rapproche autant que possible du mot énergie ; car ces deux quantités ont une telle analogie dans leur signification physique qu'une analogie de dénomination m'a paru utile. »
Issu de la thermodynamique, le concept d'entropie n'a cessé de se métamorphoser et il s'est appliqué aussi à la chimie, aux mathématiques, à l'informatique, à la biologie, à l'économie.
L'entropie s'interprète comme une mesure du désordre, des incertitudes, des manques d'information : Cette mesure est étroitement liée à la notion de quantité d'information, utile en théorie de la communication ou de l'informatique et a permis de démontrer qu'il existe un mode de codage optimal pour transférer un maximum d'informations dans une ligne de communication donnée malgré les pertes de signaux, que ce soit la télévision numérique ou la structure de l'ADN. Ce qui en fait un outil efficace au caractère à la fois objectif et subjectif. Elle définit non pas un objet en soi mais la connaissance que nous en avons et nos possibilités de prévision. Elle est associée à la notion de probabilité, elle peut s'évaluer numériquement, tout système ne pouvant devenir moins désordonné qu'il n'était au départ.
Mais lorsque plusieurs systèmes interagissent rien n'interdit à l'un d'eux de devenir de plus en plus ordonné dès lors que le désordre total (ou l'entropie totale) croît. Une source d'ordre est donc indispensable : et voilà la boucle bouclée.
Ainsi, optimiser le principe de précaution, l'encadrer, l'organiser, le soutenir par des expertises valables évitant de céder aux cyclones médiatiques et à l'irrationnel, associé à une bonne information du public pourrait, pourquoi pas, être une avancée intellectuelle et sociale plutôt qu'un carcan terrorisant.
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